J'écris cet article en réponse à Noémie Barrier, élève en école de commerce en France, qui m'a demandé de l'aide pour la réalisation de l'un de ses travaux d'étude.
Extrait de sa demande: "J'aurais voulu savoir si vous auriez pu me donner votre point de vue de français aux Etats-Unis sur leur mentalité en affaires , leur comportement au bureau, les relations entre collègues, les usages, l'organisation et le management américain. Mais aussi quelques anecdotes, des comportements qui vous ont surpris, choqués... bref un petit témoignage de votre expérience en tant que stagiaire dans une compagnie américaine."
Pour introduire rapidement mon cas : J’accomplie actuellement un stage de 6 mois à Santa Monica, CA (USA) dans l’un des réseaux de sites internet connaissant la plus forte croissance en terme de visites et de chiffre d’affaire : Demand Media.
Mon témoignage est particulier dans le sens ou cette entreprise est exceptionnelle et pourrait devenir un géant de l’Internet dans les années à venir. Dans ce type d’entreprise la culture et les buts de l’organisation sont forcements différents de l'entreprise "centre de profit" lambda.
Je t’engage donc à ne pas généraliser mes propos car il s’agit ici d’un exemple de startup à succès, située sur la Côte Ouest, dans la tradition des Apple et autres Google et non d’une entreprise traditionnelle.
J’ai essayé de décrire des phénomènes que j’observe dans mon quotidien et qui sont similaires au cours de Culture des Affaires Américaines que j’ai reçu dans mon cursus scolaire pour atténuer un peu cet effet.
J'ai décidé de reprendre tes questions pour mon plan, mais sans la partie sur le management et l'organisation, car on y serait encore demain. Tu trouveras néanmoins des pistes dans les autres réponses.
Mentalité en affaires.
Avec le sens que je donne à cette notion, je dirais qu’il y a trois tendances fortes qui vont au-delà de la culture propre à chaque entreprise.
1) Chaque idée, d’où qu’elle vienne est bonne à entendre, analyser et pondérer. J’ai travaillé dans une structure de taille comparable en France avec un niveau de responsabilité sensiblement supérieur, si je compare, l’élément qui m’a le plus impressionné est incontestablement la capacité d’écoute de mes collaborateurs. En effet, je suis dans cette entreprise depuis moins d’un mois et demi et l’opportunité m’a déjà été donnée de présenter certaines idées aux plus hautes sphères du management de mon entreprise. Une impression sous jacente à l’expérience que je vis actuellement est que vos idées peuvent parcourir la chaîne hiérarchique beaucoup plus rapidement qu’en France et être converties dans le réel quelque soit votre statut et quelque soit votre origine … Tant que l’idée semble bonne.
2) La culture du résultat et de la récompense est beaucoup plus ancrée dans les mentalités. Pas un jour ne passe sans que j’entende un manager commenter les résultats d’un membre de son équipe avec des « Good Job » et des feedbacks quand à la façon d’améliorer ou de pondérer les choses. Quand les résultats d’un département ou d’un individu sont excellents, le CEO se déplace en personne pour féliciter la personne quelque soit l’agenda. Entre employés, la tendance est la même et vous serez mis en avant à la moindre occasion. On vous pardonnera également un échec parce que vous avez « essayé » et dans la culture américaine, on croit beaucoup en l’effort et les tentatives multiples pour arriver au succès (Henry Ford a été 4 fois en faillite personnelle avant de créer sa Ford T et de devenir l’un des businessmen les plus avisé de tout les temps). En France, la banqueroute individuelle signifie un fichage à la Banque de France et une petite mort si vous êtes un entrepreneur car on ne pardonne pas l’échec.
3) Une politique commerciale beaucoup plus agressive et une éthique moins forte qu’en Europe. Les Etats-Unis sont avec la Grande-Bretagne, le pays où l’investissement publicitaire par habitant est le plus élevé au monde. C’est également le pays des « robber barons » ces entrepreneurs aux pratiques douteuses qui ont amassé des fortunes prodigieuses grâce à des méthodes litigieuses, voire complètement illégales.
Comportement au bureau.
Ici encore trois éléments me semblent importants :
1)Au quotidien, le professionnalisme est une valeur cardinale et on attend de vous que vous soyez factuel et pragmatique dans toutes les situations. La traduction de cette variable implique que, par rapport à la France, les conflits auront plutôt tendance à être gérés au résultat plutôt qu’à l’affect ou au faciès.
2) Votre travail sera également évalué à la lumière de vos valeurs morales. En d’autres termes, si votre manager a le choix entre vous et un autre au moment où une opportunité de promotion se présente, votre origine, religion ou encore sexualité importera moins que 1) votre travail 2) votre vision de ce travail 3) et c’est le plus surprenant pour un européen, votre implication dans la communauté. Si vous participez à une œuvre caritative, vous aurez donc plus de chance d’être promu.
3) La ponctualité, la présence et le travail. Les américains ont tendance à être à l’heure (en tout cas, plus que les Français) et votre absence ou retard, seront remarqués et jugés négativement, même si vous êtes malade. Une donnée importante est également que les américains ne comptent pas leurs heures et travaillent sur des durées plus longues.
Relations entre collègues.
Ce qui m’a le plus surpris, c’est que dans mon entreprise, l’atmosphère est plutôt cordiale et les gens vous demandent sans arrêt si tout se passe bien. Les collègues de bureau tissent des relations amicales plus facilement à mon sens et l’âge à l’air d’être une variable moins importante qu’en France. J’ai par exemple été invité à l’anniversaire d’un de mes collègues après une semaine de présence.
Une anecdote:
Un point commun entre les américains et les français qui ulcère certaines nationalités comme les allemands, se situe dans la prononciation des termes étrangers. Un allemand prononcera un mot anglais avec l'accent anglais tandis qu'un Français ou un Américain vous riront au nez si vous prononcez un mot étranger avec un accent différent du leur. En Californie, la majorité des individus sont d'origine Sud Américaine et pourtant si vous prononcez un nom mexicain avec un accent hispanique on vous regarde avec des yeux écarquillés... spécialement si vous êtes blanc :) Une différence culturelle qui pourrait expliquer en partie les difficultés d'apprentissage des langues étrangères chez nos deux nationalités.